Wednesday 10 July 2013

Se maquiller, ce n’est pas futile, c’est essentiel !

Se maquiller, ce n’est pas futile, c’est essentiel !


Se maquiller, ce n’est pas futile, c’est essentiel !

« Jouer avec les couleurs, jouer avec son visage, jouer avec son image… Ce n’est pas un hasard si le maquillage attise à la fois le désir et la méfiance. Car se maquiller est un geste qui n’est banal qu’en apparence ». Camille Saint-Jacques, peintre et écrivain revient sur sa vision du maquillage dans notre société.
Peintre et professeur de lettres à Colombes, dans les Hauts-de-Seine, Camille Saint-Jacques a commencé par s’intéresser à la paresse (Notre paresse, vice et vertu, Autrement, 2005), avant de consacrer un ouvrage au maquillage, L’Eloge du maquillage, du cosmos aux cosmétiques (Max Milo, 2007).
Flavia Mazelin Salvi, Audrey Tropauer et Ariane Le Febvre
Psychologies : Pourquoi faire l’éloge du maquillage comme s’il fallait le défendre ?
Camille Saint-Jacques : Le maquillage a toujours été attaqué par les penseurs, de Platon à Ovide, en passant par Socrate qui le comparait à une misérable tromperie, jusqu’à Baudrillard. De manière expresse ou tacite, il y a toujours eu, et il y a encore, cette idée construite sur la peur : le maquillage n’est qu’un artifice pour duper les hommes. Mais, et c’est un paradoxe qui ne manque pas de piquant, les hommes qui méprisent les artifices aiment aussi se laisser piéger par ces armes de séduction. Tout simplement parce que les efforts des femmes pour se rendre désirables sont, pensent-ils, la preuve de leur importance : ils sont au cœur de leurs préoccupations et, bien sûr, cela est très valorisant.
Le maquillage n’est pas seulement attaqué par les hommes, il l’est aussi par les femmes. Pourquoi ?
Camille Saint-Jacques : En effet, il fait l’objet de critiques ou de mépris de la part des femmes qui ont intégré la peur des hommes. Ce sont celles qui vantent les mérites d’une beauté nue, naturelle, transparente. Une beauté rassurante pour les hommes parce que figée, permanente. En ayant toujours le même visage, la même image, on dit à l’autre : « N’aie pas peur, je serai toujours celle que je suis maintenant. » Il y a aussi, chez de nombreuses femmes, une difficulté à assumer le maquillage comme un plaisir esthétique ou sensuel. Le désir de se disculper était très présent dans les nombreux témoignages que j’ai recueillis, alors que je travaillais à mon livre : « Je me maquille à peine », « Uniquement pour sortir », « Je mets juste un soupçon de poudre ou un gloss transparent »… Il y a aussi un désir de banaliser le geste, de le rendre automatique. De nombreuses femmes disent : « Je me maquille par habitude », « C’est juste pour avoir bonne mine »… Il y a là un vide, un blanc de la pensée, le propos est banal, il n’y a pas ou peu d’implication personnelle.
Cela s’explique peut-être parce que le maquillage est considéré comme un acte futile ou une preuve de soumission au désir des hommes ?
Camille Saint-Jacques : Il y a sans doute beaucoup de cela, de manière plus ou moins inconsciente. Le mépris, le rejet du maquillage de la part de certaines femmes traduit aussi une inquiétude liée à la rivalité sexuelle. Celle qui se maquille se dédouble, elle peut jouer à être toutes les femmes, son pouvoir de séduction est démultiplié. Elle est donc une menace que le mépris tente de neutraliser. Mais le maquillage ne saurait être réduit à la seule dimension de « séduction ». L’étymologie du mot cosmétique nous apporte un éclairage intéressant. Ce mot vient de « cosmos ». Le cosmos, par opposition au chaos, c’est l’univers ordonné.
L’expression « se refaire une beauté », lorsqu’une femme va se maquiller ou se remaquiller, ne dit pas autre chose : il s’agit de remettre de l’ordre, de l’harmonie, de recomposer un visage. Il y a dans cette démarche le désir de rétablir de manière visible une identité qui nous échappe. C’est ce qui me fait dire qu’en se maquillant, on ne se fuit pas, on se cherche. Ce n’est pas un hasard si, en prison ou dans les unités de soins palliatifs, on propose aujourd’hui des cours de maquillage. On voit bien qu’il y a là quelque chose qui touche à l’être et au désir. Désir de vivre ou de revenir à la vie. Il sert à faire émerger des identités profondes – surtout quand elles ont été mises à mal par la maladie, la prison ou la dépression – et à les socialiser. Ce n’est pas futile, c’est essentiel : l’essence de l’être cherche à s’exprimer, à se montrer, à triompher du chaos.

Certaines femmes maquillent de préférence leurs yeux, d’autres leur bouche, d’autres encore leur peau… Quels messages envoient-elles ?

Camille Saint-Jacques : Encore une fois, parce que je suis également peintre, j’associe le maquillage à la peinture. Ce n’est pas parce qu’une partie de la toile est restée vierge, sans dessin ni couleur, qu’elle est laissée en friche, abandonnée. Maquiller la bouche, c’est aussi, par contraste, mettre en valeur les yeux et réciproquement. Tout se joue dans le voilé-dévoilé, mais chaque partie compte dans la composition finale. La bouche évoque, bien sûr, la sensualité, la sexualité, la gourmandise ; les yeux sont des capteurs d’attention, un appel à l’échange, tandis que la peau exprime notre vitalité, notre santé. Une peau fraîche, un teint lumineux disent : « Je suis en forme, je vais bien. » C’est pourquoi, dans le monde du travail, un beau teint, une peau sans trop de rides et sans boutons est une façon d’affirmer : « Je suis efficace, énergique, productive. »
Chaque époque a son maquillage. Aujourd’hui, la mode est au nude, le « nu », ce maquillage sophistiqué mais invisible de la peau, des yeux et de la bouche. Quel fantasme cache cette tendance ?
Camille Saint-Jacques : Je vois, paradoxalement, dans cette promotion du « nu », la recherche d’une uniformisation de la femme ; d’ailleurs, et c’est amusant, en inversant les lettres on trouve « un ». On pourrait croire que le naturel, même très sophistiqué, laisse émerger la singularité de chacune. Il n’en est rien. Avec cette transparence, ce visage offert, on revient à ce fantasme de la femme que l’on peut lire et saisir, une bonne fois pour toutes. Parler de « nu » à propos d’un visage, ce n’est pas innocent. C’est à la fois une manière de l’érotiser tout en le contrôlant. Or, jouer avec les couleurs, les tons, les contrastes, mettre tantôt l’accent sur le teint, ou les yeux ou la bouche, c’est multiplier les possibles de soi, et cette multiplicité est l’essence même du féminin. Se maquiller, c’est accepter et donner à voir sa singularité et son hétérogénéité.
Les hommes s'y mettent aussi
Autobronzants, poudres mates ou fluides teintés… Les hommes sont de plus en plus nombreux à avoir recours aux cosmétiques pour donner un coup de pouce à mère nature.
Leur exigence : des produits bien distincts de ceux de leur compagne. Couleur, texture, parfum, packaging, tout est étudié pour les convaincre que l’on peut être soigné… et viril ! Les gestes sont simples, les conditionnements épurés. « Le maquillage masculin n’est plus un tabou », constate Charlotte Lesvèque, chargée de communication de Jean Paul Gaultier Parfums, qui a lancé en 2003 la première ligne de maquillage pour homme. L’objectif de ces nouveaux consommateurs est de paraître « plus présentables », d’avoir « bonne mine ».
Cadres et commerciaux pensent qu’entre 30 et 50 ans, l’apparence fait aussi la différence. Quant aux perfectionnistes, métrosexuels et dandys, ils peuvent se laisser tenter par des gels pour les cils et les sourcils, des stylos pour faire briller les ongles et même des khôls…


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